Nous précisons que les Nabatéens avaient pour capitale Pétra qui se trouve
dans l’actuelle Jordanie. Cette capitale, selon BROCKELMANN, (1949 :11, etc.)
était un éminent centre de rayonnement culturel et économique pendant plus de
cinq siècles successifs. Grâce à sa situation géographique, elle a été un point de passage des caravanes
du Saba au Yémen et celles des tribus de la Méditerranée (les côtes de Syrie, Liban et Palestine).
D’après F. BRIQUEL-CHATONNET
(2004:29), les Nabatéens ont eu une grande renommée commerciale dans la région
du Moyen-Orient. Ils ont attribué une grande importance à l’écriture. Afin de
convertir leur langue orale à l’écrit, ils ont en effet adopté l’idéogramme
araméen. D’ailleurs, ce mélange de langue parlée nabatéenne et d’écriture
araméenne a donné naissance à l’écriture nabatéenne. Celle-ci a connu au fil du
temps un développement considérable vers des formes plus fines à caractères
géométriques variés et diversifiés. Après le déclin puis la disparition du
royaume araméen, l’écriture nabatéenne s’est imposée comme un style utilisé
dans le nord de l’Arabie.
Des études scientifiques
contemporaines portant sur la comparaison entre l’alphabet des langues sémitiques
du sud et celle de l’araméen et se référant à des écrits découverts récemment
montrent que l’écriture arabe est empruntée à l’écriture nabatéenne. Ceci est
rappelé dans la citation de R. BLACHÈRE et al. suivante :
« L’écriture arabe, le fait est aujourd’hui bien établi, dérive de la
cursive utilisée par les Nabatéens de Pétra, introduite en Arabie Occidentale,
notamment à la Mekke, au VI‛s. avant J.-C. au plus tard » R. BLACHÈRE et al.
(2004:16).
F. BRIQUEL-CHATONNET (2004:27)
rajoute que l’écriture arabe préislamique présentait une grande ressemblance
avec l’écriture nabatéenne. Parmi les grandes tribus qui ont excellé en
écriture, il y avait Al-ḥijāz (en Arabie saoudite) puisqu’elle représente
géographiquement un point de passage entre les régions du sud Yémen et celle du
nord (Cham). Cette particularité géographique et commerciale a permis une vaste
propagation de l’écriture nabatéenne et sa transmission au sud de la péninsule
arabique via Al-ḥijāz.
L’écrit préislamique
La manifestation la plus marquante de l’écrit,
en tant que tel, dans l’ère préislamique est le genre poétique, qui était
quelque chose de prestigieux voire sacré. L’exemple le plus concret en est la
décision d’accrocher les poèmes les plus célèbres sur les murs de la Kaaba à la
Mecque. Cette dernière même avant l’ère de l’islam était à la fois un grand
centre de commerce, d’échanges et un point de passage de rencontres des
voyageurs et des caravanes des nomades de la péninsule arabique du
Moyen-Orient. Les poèmes accrochés sur le mur de la Kaaba sont appelés les
al-mu‘allaqāt. Littéralement, ils signifient les « suspendues » et représentent
les meilleurs et les plus beaux poèmes choisis par les chefs de tribus. (A.
AL-ANDALUSI 1998 :306), Al-siyūṭī rapporte une version portant sur
l’appellation de ce genre de poèmes. Avec ces al-mu‘allaqāt, la langue arabe a
rehaussé le prestige de l’écrit. Il y avait
également des textes portant sur des accords de paix ou de non agression
entres les tribus. Il s’agit notamment de pactes et de sermons qui font état
des échanges commerciaux (AL-SIYUTI 1998 : 69, etc.). Nous pouvons ajouter que
les textes les plus importants à accrocher étaient les contrats commerciaux
rédigés par les caravanes appelées les caravanes d’été et d’hiver. Il s’agit
des deux grands voyages; le premier se passe en été et l’autre en hiver,
effectués entre le Yémen et le Cham. Finalement, cette écriture n’a pas cessé
de se développer et de se propager jusqu’à l’ère préislamique. Nous avons donc
dit que l’écrit était bel et bien présent, puisque les Arabes lui ont accordé
deux intérêts à double vocation : poétique et commerciale.
L’effondrement du plus ancien
barrage dans l’Histoire de l’humanité M’arab de Saba au Yémen en 575 de l’ère
J.C a poussé ses habitants à se disperser dans la presqu’île. Cet événement
historique a finalement permis à langue arabe de connaître une importante
propagation et une grande diffusion (R. BLACHÈRE 1990 :13).
Une nécessité religieuse
Comme nous l’avons indiqué
précédemment, l’ère préislamique est caractérisée par une tradition orale. Les
écrits se limitent dans les pactes, contrats, conventions et correspondances
entre les chefs de tribus. Après l’avènement de l’islam, l’écriture est devenue
une nécessité religieuse. Dès lors, les compagnons du prophète estimèrent que
l’écriture est le seul moyen pour sauvegarder le texte coranique. La venue de
l’islam constituait une vraie rupture et ceci est rapporté par A. ROMAN :
« Le Coran est la rupture par laquelle commence la nouvelle culture arabe
et musulmane, parce qu’il est la Rupture qui nie toute autre rupture. Le Coran,
néanmoins, ne pouvait être une rupture linguistique que sur le seul plan du
style. Le Coran, dans une autre langue, n’eût pas été reçu. Cependant les
Arabes musulmans, dans une démarche totalisante inspirée par le Coran, vont,
vers l’an 800 de notre ère, la déclarer instituée par Dieu Lui-même. Elle était
donc la langue prédestinée du Coran » A. ROMAN (1990 :5).
Le Coran codifié au 7ème siècle par le ẖalife
‘ṯmān, compagnon du prophète est énoncé dans une langue très proche de celle de
la poésie et des documents en arabe ancien. Cependant, ce texte a été révélé en
plusieurs lectures correspondant aux dialectes des principales tribus de la
péninsule, notamment Qurayš, Tamīm, Hadīl, Muḍar etc.
Les quatre Califes (632-660),
pendant leurs règnes, se sont intéressés à l’écriture et à la transcription du
Coran ainsi qu’aux paroles du Prophète ḥadīt. Ils ont également utilisé l’écriture
dans leurs correspondances officielles et dans des textes contenants des pactes
avec les autres tribus. De plus, l’Etat musulman a attribué un grand intérêt à
l’écrit comme étant une trace tangible. Il le considérait aussi comme un acte
crédible des diverses rédactions des dignitaires politiques et militaires des
Califes et Emirs des territoires de l’empire musulman (M. TABARI 1989 : 7,
etc.).
A l’époque des deux empires :
Omeyades et Abbassides, c’est une période dite de lumière connue pour ses
activités très intenses sur le plan culturel et intellectuel. Elle a généré
l’apparition de nombreuses écoles philologiques et philosophiques. En outre, il
y a eu l’apparition d’un large mouvement de traduction et d’interprétation en
langue arabe. Cependant, l’écriture et la publication ont connu leur apogée
avec d’imminentes élaborations portant sur le copiage de livres et œuvres
interprétés et traduits de langues étrangères comme le persan, le grec et le
latin, etc. Ces œuvres concernent, pour la plupart, des domaines scientifiques,
artistiques, littéraires et surtout philosophiques..